jeudi 10 février 2011

"Indignez-vous" qu'il disait

Mladen a 1o ans et il ne va plus à l’école.

Il est arrivé en France au mois d’août, pour rejoindre les membres de son village tsigane. Il a été scolarisé tant bien que mal pendant un mois dans une classe classique. Un mois à ne rien comprendre à ce qu’il se passe autour de lui. Au bout d’un mois, les enseignants estiment enfin qu’il ne maîtrise pas le Français et décident de l’envoyer en CLIN (classe d’initiation). Il s’agit d’une classe spécifiquement dédiée aux enfants ne maîtrisant pas le Français. Ils ne sont pas plus de 12 et bénéficient ainsi d’un enseignement renforcé. Malden débarque donc dans sa nouvelle école où il y retrouve deux de ses « cousins ». De cette façon, sa spécificité va enfin être pris en charge. De plus son intégration va pouvoir se poursuivre (débuter) car il est intégré dans une classe de son âge pour les activités de découverte du monde et pour l’Education Physique et Sportive

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Seulement tout n’est pas idyllique et les problèmes débutent dès le deuxième jour. Selon la directrice, Mladen est ingérable et extrêmement violent. Il est vrai que lors des récréations et des cantines, il a tendance à résoudre ses problèmes avec ses poings. J’apprends en fait que Mladen n’est jamais allé à l’école auparavant et que la seule langue qu’il pratique est le Rromani. Je propose donc mon aide comme intervennat extérieur lors des repas à la cantine. Je l’avais déjà fait l’année dernière pour un autre enfant.

Pas de réponse. Je me dis alors naïvement que tout est rentré dans l’ordre. Peut-être veulent-ils se débrouiller sans moi…

Lors d’une de mes visites dominicales dans leur squat, j’apprends par le papa que Mladen est orienté dans une autre école.

Stupéfait j’essaye de contacter dès le lendemain l’école. Pas de réponse.

J’apprends une semaine plus tard que la décision est irrévocable.

Aujourd’hui cela fait plus d’un mois que Mladen ne va plus à l’école. Il refuse obstinément de retourner dans sa première école (là où il n’y a pas de CLIN). Insistant beaucoup auprès du papa, j’ai même appris que ce dernier commençait à avoir la main lourde sur son fils à cause de ses problèmes d’école.

À qui la faute ?

Bien évidemment, les parents de Mladen sont en partie responsables : ils ne se sont pas présentés à un rendez-vous donné par la directrice pour évoquer les problèmes de comportement.

Seulement je me rappelle qu’il y a deux ans cette même directrice m’avait donné une belle leçon. Elle m’avait expliqué que tous les enfants devaient être logés à la même enseigne. Que même les Roms devaient respecter les règles. Qu’il était incroyable que les parents ne se présentent pas…Je lui avais gentiment expliqué que ces enfants n’étaient pas comme les autres, que son « égalitarisme » n’avait aucune place ici, que si elle le désirait, elle pouvait m’accompagner dans leur bidonville de l’époque où il n’y avait ni eau ni électricité : juste des cabanes et de la boue. »

« Mr Cartron, nous ne serons jamais d’accord »

Elle ne comprenait pas , ne voulait pas comprendre que ces enfants demandent plus que les autres. Bien-sûr, il faut avoir la même exigence pour eux que pour les autres. Mais ils ne vivent pas comme les autres et cela a évidemment une influence sur leur comportement.

Étant un élève discipliné, j’ai retenu la leçon. Je me demande donc si tous les enfants qui posent des problèmes de comportement sont virés d’une classe spécialisée sans en avertir les parents. Je me pose sûrement cette question : les classes d’initiation ne sont-elles pas là pour intégrer les « primo-arrivants » ? En fait j’ai la réponse mais elle m’indigne.

Cet élève, dont les parents n’ont rien compris aux enjeux de l’école est en proie à la violence du système. C’est tellement facile d’en faire ce que l’on en veut. Les parents de Mladen ne vont sûrement pas se déplacer pour crier leur indignation à l’école.

Encore une fois, je ne nie pas la responsabilité de la famille. Seulement je m’occupe des enfants et pas de leurs parents. Un enfant ne doit pas être traité comme un adulte, il ne doit pas être responsable des erreurs de ses parents. Ce n’est pas possible du moins ce n’est pas l’idée que je me fais de l’école de la République.


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